À propos de la proposition de loi anti ief

J'ai cherché une idée d'intro un peu légère et primesautière, histoire de n'assommer personne en ce joli week-end ensoleillé... Mais j'ai pas trouvé... Tant ce... cette... "chose" est lourde me sape tout sens de l'humour.

Donc voilà: je vous livre en très léger différé mes réactions à la lecture de ce monument de bêtise et d'hypocrisie:


PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer l’encadrement des établissements privés
hors
contrat et à limiter les possibilités de dérogation
à l’obligation scolaire,

Florilège:
"La loi du 28 mars 1882 dite « loi Ferry » a instauré pour tous les enfants, âgés de six à seize ans, une obligation scolaire. La loi française autorise néanmoins que cet enseignement soit dispensé dans des établissements privés hors contrat ou au sein de la famille.
(Cette phrase ne veut absolument rien dire, sinon qu'elle cherche délibérément à embrouiller de suite son monde pour faire passer la grosse pilule à venir.
  • Obligation scolaire = obligation d'aller à l'école. Si la loi française autorise qu'il en soit autrement, ce n'est plus une obligation mais une possibilité parmi d'autres.
  • Le démonstratif "cet" fait référence à... quoi? À l'obligation scolaire inexistante? À l'enseignement? Y aurait-il ici un fâcheux raccourci visant à insinuer que hors l'école, point d'enseignement possible? Mais les établissements privés hors contrats, ne sont-ils pas assimilés à des écoles?
  • Et la famille? Ha là, aucun risque, puisque la loi stipule clairement qu'il est interdit d'enseigner à des enfants issus de fratries différentes, afin entre autres de réduire le risque d'école clandestine, justement...)
"Plus qu’une obligation de fréquentation d’une école, la loi impose en réalité une obligation d’instruction aux parents."
(HO, le pauvre, il est déçu, ça se sent...)
"Cette particularité a favorisé sur notre territoire l’émergence de deux phénomènes particulièrement préoccupants : la déscolarisation d’un nombre croissant d’enfants"
(tous ces gens qui usent de leurs droits, c'est extrêmement préoccupant, en effet)
"surtout des filles"
(et monsieur Ciotti est un fervent défenseur de la cause féministe, comme chacun sait)
" pour des motifs d’ordre essentiellement religieux d’une part, et la multiplication d’écoles privées hors contrat prônant un islam radical, d’autre part"
(ha, ça y est, l'islam-épouvantail est dressé : ça aura mis 3 lignes, ils ne font même plus l'effort de se cacher. Ils auraient au moins pu nous sortir un petit sondage pour appuyer leurs dires ceci dit, parce que mes estimations à moi disent que ce sont essentiellement pour des motifs de choix de vie ou de libertés pédagogiques. Mais ça fait moins flipper dans les chaumières, il est vrai)
"Les enfants sont alors victimes de propagande idéologique sous couvert de programmes éducatifs alternatifs. Ils risquent d’être marginalisés et embrigadés, car ils ne disposent pas encore de l’esprit critique qui leur permettrait de conserver leur liberté de conscience."
(ouais... un peu comme à l'école, quoi)
"Dans un État de droit, la loi doit garantir à tous les enfants en âge scolaire le droit à l’instruction sans détournement possible."
(ce droit, il existe déjà, c'est l'obligation d'instruction des enfants entre 6 et 16 ans, avec le socle commun pour tous en ligne de mire, il y a des inspecteurs plus ou moins charmants et plus ou moins bien au fait des lois qui se chargent de nous le rappeler tous les ans)
"Ainsi, le premier objet de cette proposition de loi est de durcir les conditions d’ouverture d’un établissement hors contrat et de renforcer les contrôles auxquels ils doivent être soumis.
Il existe en France 1 300 écoles privées hors contrat. Parmi celles-ci, il existe 300 établissements confessionnels. 56 000 enfants et adolescents y sont scolarisés, dont 4 000 à 5 000 dans des structures musulmanes.
Le contrôle de l’État sur ces écoles apparaît largement insuffisant : ouvrir un établissement d’enseignement répond à un régime déclaratif sans qu’un contrôle exhaustif ne soit systématiquement réalisé."
(traduisons-les: désormais, tout employé administratif recevant une demande d'ouverture d'école sera prié d'interroger sa boule de cristal pour savoir si elle sera une des 1000 écoles de hippies-babas-cools-alternatifs-hispters-casse-bonbons-mais-pas-méchants ou une des 300 structures de méchants-zarabes-qui-veulent-islamiser-le-monde. Bien sûr, ça veut dire se rendre coupable d'un poil de discrimination et s'asseoir sur la présomption d'innocence, mais on n'est plus à ça près, après tout)
"Or, certains de ces établissements présentent non seulement de graves faiblesses pédagogiques"
(La preuve, le classement des meilleurs lycées de France en tête duquel on trouve... le lycée musulman Averroes de Lille... Ha, bah mince alors, c'est gênant)
mais également des risques de radicalisation religieuse. Beaucoup sont en effet sous l’emprise des Frères musulmans, qui prônent un islam radical.
(d'ailleurs, c'est connu, tous les tristement célèbres terroristes de ces dernières années étaient issus... Ha oui, tiens, de structures publiques et républicaines. Damned, encore loupé!)
Comme le souligne Gilles Kepel, « le projet…est la construction d’une communauté qui négocie son insertion dans la République ». « L’objectif, c’est bien de créer une rupture entre la République “méchante” et la jeunesse musulmane afin que celle-ci ne croie plus au projet républicain. » (Mohamed Louizi, auteur de : Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans)."
("la République "méchante"... sérieusement? Nous en sommes réduits à ce genre d'arguments manichéens? C'est quoi là? Un nouvel épisode de Star Wars? Le prochain Disney? Le pays de Candy, il y a des méchants et des gentils?
Et puis, tout à fait accessoirement: si les jeunes ne croient plus au projet républicain, on pourrait peut-être se demander pourquoi? Ha pardon, faut utiliser la même rhétorique bas de gamme et cuculapralinisante: faut que les gentils ils aient des arguments et des actes qui attirent plus les jeunes que ceux des méchants.
Alors, oui, ça oblige à se remettre en cause, et c'est pas toujours très très agréable. Mais ça peut être salutaire.
Ou on peut faire l'autruche et se dire que jusque là tout va bien et dire que c'est la faute des autres, après tout moi la politique j'y connais rien: je ne suis qu'une humble ménagère de moins de 50 ans, blonde de surcroît, hihi)
"Cette situation est intolérable. Les lieux d’enseignements doivent rester des sanctuaires préservés de toute influence idéologique ou politique contraire aux valeurs républicaines et doivent poursuivre un projet commun : celui de la construction d’une communauté nationale. Les écoles doivent demeurer des lieux où se transmettent les savoirs et non les idéologies."
(l'école qui n'a jamais transmis d'idéologie... j'en connais qui ont roupillé pendant les cours d'histoire. Tiens d'ailleurs, en parlant d'histoire, en voilà une croquignolette: en Allemagne l'école a été rendue complètement obligatoire, sans exceptions possibles, sous le régime nazi. Pourquoi vous riez pas? Ha oui, le point Godwin... Mais faut admettre qu'ils cherchent aussi. Les méchants.)
[...]
"Le second objet de cette proposition de loi est de limiter les possibilités de dérogation à l’obligation scolaire.
En 2010-2011, en France, 18 818 enfants étaient instruits à domicile, dont 5 063 en dehors d’une inscription réglementée au Centre national d’enseignement à distance (Cned). Cela représente une augmentation de 54,6 % en trois ans.
Ce phénomène a été rendu possible par les nombreuses lacunes dont souffre notre législation. L’article L. 131-1-1 du code de l’éducation se borne à prévoir que « l’instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d’enseignement ». Cela apparaît largement insuffisant : le renforcement de l’obligation scolaire est indispensable pour assurer le droit de tous les enfants à l’instruction, à l’éducation et pour favoriser l’épanouissement de leur personnalité. Dans un contexte de menace terroriste inédite couplée à un développement sans précédent du communautarisme, il est indispensable que le contrôle de l’État sur l’éducation de tous les enfants soit renforcé."
(c'est là que je n'ai même plus envie d'en rire. Attendez, c'est glissé là, l'air de rien, mais relisez ce final: le contrôle de l’État sur l’éducation de tous les enfants --> pas l'instruction!!! On nous agite le spectre du terrorisme sous le nez pour s'octroyer un droit de regard sur l'éducation de nos enfants! Ça y est? Vous commencez aussi à avoir peur? Parce que moi, honnêtement : oui!)
"Aussi, l’article 4 soumet l’instruction à domicile à l’autorisation préalable de l’inspecteur d’académie qui ne pourra y donner droit que dans l’une des hypothèses suivantes :
– l’exigence de soins médicaux,
– situation de handicap en attente de scolarisation dans un établissement médico-social,
– activités sportives ou artistiques,
– parents itinérants,
– éloignement géographique d’un établissement scolaire."
(les enfants auront donc le choix entre scolarisation standard ou en établissement médico-social? Aucun entre deux envisageable, nul échappatoire? Tant pis pour les enfants dys, phobiques, harcelés ou ayant quelque autre souci ne permettant pas une scolarisation sans relever du domaine médico-social...?
Quant à ceux dont les parents ont simplement fait ce choix pour des raisons qui leur sont propres, ils semblent simplement ne pas exister. Pourtant : exigence de niveau, pédagogie alternative, respect des rythmes de l'enfant, rejet des nouveaux programmes indigents... c'est pas les arguments qui manquent, mais pour s'en rendre compte il faudrait bien sûr que ces personnes se soient un tout petit peu réellement intéressées au sujet au lieu de vivre cloitrées dans leurs fantasmes paranoïaques.)

Bref, pour l'instant ce n'est qu'une proposition de loi, et si on ne veut que ça aille plus loin (et non, vraiment, on ne peut pas le vouloir) il est important et urgent d'agir de suite.
Une pétition circule, signez là, et faites là tourner autour de vous, et pas uniquement dans les cercles nonsco pour obtenir un maximum de signatures.

À propos de la proposition de loi anti IEF



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